Guy de Maupassant, né Henry-René-Albert-Guy de Maupassant[1] le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques[2] et mort le 6 juillet 1893 à Paris, est un écrivain français.
Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, il a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une Vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-88, mais surtout par ses nouvelles (plus de 300), parfois intitulées contes, comme Boule de Suif en 1880, les Contes de la bécasse en 1883 ou le Horla en 1887. Ces œuvres retiennent l’attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s’en dégage le plus souvent mais aussi par la maîtrise stylistique. La carrière littéraire de Guy de Maupassant se limite à une décennie – de 1880 à 1890 – avant qu’il ne sombre peu à peu dans la folie et ne meure à quarante-deux ans. Reconnu de son vivant, Guy de Maupassant conserve un renom de premier plan, renouvelé encore par les nombreuses adaptations filmées de ses œuvres.
Biographie:
Les Maupassant étaient une vieille famille venue de Lorraine qui s’était installée en Seine-Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime) (Normandie) au milieu du XIXe siècle. Son père, Gustave de Maupassant, avait épousé en 1846 Laure le Poittevin, une demoiselle de la bonne bourgeoisie. Avec son frère Alfred, elle avait été l’amie de Gustave Flaubert, le fils d’un chirurgien de Rouen, qui devait exercer une certaine influence sur la vie de son fils. Elle fut une femme d’une culture littéraire peu commune, aimant beaucoup les classiques, particulièrement Shakespeare. En 1856, elle donne naissance à Hervé, le frère cadet de Guy. Séparée de son mari volage en 1860, elle s'installe avec ses deux fils à Étretat (elle survivra à ses deux fils, leur père également).
Guy passe son enfance dans la maison « Les Verguies » à Étretat, où, entre mer et campagne, il grandit dans l’amour de la nature et des sports en plein air ; il va pêcher avec les pêcheurs de la côte et parle patois avec les paysans. Il est profondément attaché à sa mère.
À l'âge de treize ans, il est pensionnaire de l'Institution ecclésiastique d'Yvetot, selon le souhait de sa mère. C’est en ces lieux qu’il commence à versifier. De sa première éducation catholique, il conservera une hostilité marquée envers la religion ; il finira par se faire renvoyer. Il est alors inscrit au lycée de Rouen, où il se montre bon élève, s’adonnant à la poésie et participant beaucoup aux pièces de théâtre. À cette époque, il côtoie Louis Bouilhet et surtout Gustave Flaubert, dont il devient le disciple. En 1868 en vacances à Etretat, il sauve de la noyade le poéte anglais décadent Charles Algernon Swinburne qui l'invite à dîner en remerciement pour son courage. Il voit à cette occasion une main coupée, thème qui sera utilisé plus tard… Bachelier ès lettres en 1869, il part étudier le droit à Paris sur le conseil de sa mère et de Flaubert. La guerre qui s'annonce va contrarier ces plans.
En 1870, il s’enrôle comme volontaire lors de la Guerre franco-prussienne. Affecté d’abord dans les services d’intendance puis dans l’artillerie, il participe à la retraite des armées normandes devant l’avancée allemande. Après la guerre, il paie un remplaçant pour achever à sa place son service militaire, et quitte la Normandie pour s'installer durablement à Paris.
À Paris, le jeune Maupassant passe dix années comme commis d’abord au Ministère de la Marine puis au Ministère de l’Instruction Publique où il est transféré en 1878. Le soir, il travaille d'arrache-pied à ses travaux littéraires. Fin janvier 1877, Tourgueniev le rencontre et le trouve tout décati. Le diagnostic tombe : la syphilis. Cette maladie – il en mourra – ne cessera d'empoisonner l'existence du jeune homme, même s'il s'en gausse alors : « J'ai la vérole ! enfin la vraie !! (…) Et j'en suis fier morbleu et je méprise par-dessus tout les bourgeois ». Pendant ces dix années, sa distraction est le canotage sur la Seine, toujours en galante compagnie, le dimanche, et pendant les vacances.
Gustave Flaubert le prend sous sa protection et devient pour lui une sorte de mentor littéraire, guidant ses débuts dans le journalisme et la littérature. Chez Flaubert, il rencontre le romancier russe Ivan Tourgueniev et Émile Zola, ainsi que de nombreux écrivains appartenant aux écoles naturalistes et réalistes. Il écrit beaucoup de vers et de courtes pièces.
Il commence aussi à fournir des articles à plusieurs journaux importants comme Le Figaro, Gil Blas, Le Gaulois et L’Écho de Paris, puis consacre ses loisirs à l’écriture de romans et de nouvelles. Toujours encouragé par Flaubert le vieil ami de sa famille, il publie en 1879 son premier livre, un fascicule d’une centaine de pages « Histoire du vieux temps ».
S'étant lié avec Zola, il participe en 1880 au recueil collectif des écrivains naturalistes Les Soirées de Médan avec sa première nouvelle, Boule de Suif, qui remporte d'emblée un grand succès et que Flaubert qualifie de "chef d'œuvre qui restera". La même année, la disparition subite de Flaubert laisse le nouvel écrivain seul face à son destin.
La décennie de 1880 à 1890 est la période la plus féconde de la vie de Maupassant : il publie six romans, plus de trois cents nouvelles et quelques récits de voyage. Rendu célèbre par sa première nouvelle, il travaille méthodiquement, et produit annuellement deux et parfois quatre volumes. Le sens des affaires joint à son talent lui apporte la richesse.
En 1881, il publie son premier volume de nouvelles sous le titre de La Maison Tellier, qui atteint en deux ans sa douzième édition. 1883, Maupassant termine son premier roman, qui lui aura coûté depuis 1877 six années : c'est Une vie, dont vingt-cinq mille exemplaires sont vendus en moins d’un an. Léon Tolstoi en personne, dira à propos de ce roman : « C'est le plus grand chef d'œuvre de la littérature française, après Les Misérables ». Avec les droits d’auteur de La Maison Tellier, Maupassant se fait construire sa maison, « La Guillette », ou « maison de Guy », à Étretat. La maison est envahie chaque été par Maupassant et ses amis. En 1883, naît son premier enfant, un garçon qu'il ne reconnaît pas, fils de Joséphine Litzelmann, une donneuse d'eau de Châtelguyon. Une fille naît l'année suivante, puis un troisième en 1887, non reconnus. En 1884, il vit une liaison avec la comtesse Emmanuela Potocka, une mondaine riche, belle et spirituelle. En octobre de la même année, il achève l'écriture de Bel-Ami à la « Guillette ».
Dans ses romans, Guy de Maupassant concentre toutes ses observations dispersées dans ses nouvelles. Son second roman, Bel-ami, paru en 1885, connaît trente-sept tirages en quatre mois. Et si l'on ajoute à la littérature son sens bien normand des affaires, Maupassant dira en riant : « Bel-Ami c'est moi ! ». Des ouvrages marquants par le style, la description, la conception et la pénétration s’échappent de sa plume féconde. Il écrit trois ans plus tard ce que d'aucuns considèrent comme le plus abouti de ses romans, Pierre et Jean, en 1887/88.
Son aversion naturelle pour la société ainsi que sa santé fragile le portent vers la retraite, la solitude et la méditation. Il voyage longuement en Algérie, en Italie, en Angleterre, en Bretagne, en Sicile, en Auvergne, et chaque voyage est pour lui synonyme de volumes nouveaux et de reportages pour la presse. Il fait une croisière sur son yacht privé, nommé « Bel-Ami », d’après son roman de 1885. Cette croisière, où il passe par Cannes, Agay et Saint-Tropez lui inspire Sur l’eau. Il y aura un « Bel-Ami II ». De ses voyages, il garde une préférence pour la Corse ; il place même le paysan corse au-dessus du paysan normand, car hospitalier… Quoi qu'il en soit, cette vie fiévreuse, ce besoin d'espaces, et souvent pour oublier la maladie qui l'accapare, ne l’empêchent pas de nouer des amitiés parmi les célébrités littéraires de son temps : Alexandre Dumas fils lui voue une affection paternelle. Guy tombe également sous le charme de l’historien-philosophe Taine rencontré à Aix-les-Bains.
S'il reste ami avec Zola et Tourguéniev, en revanche l’amitié de Maupassant avec les Goncourt dure peu : sa franchise et son regard acéré sur la comédie humaine s’accommodent mal de l’ambiance de commérage, de scandale, de duplicité et de critique envieuse que les deux frères ont créée autour d’eux sous l’apparence d’un salon littéraire à la manière du XVIIIe siècle… La brouille avec les Goncourt commence à propos d'une souscription pour un monument à la gloire de Flaubert.
En 1887, son frère Hervé est interné une première fois, et retombe malade en fin d'année. En août 1889, il est de nouveau interné à l'asile de Lyon-Bron. Il y meurt en novembre.
Durant ses dernières années, se développent en lui un amour exagéré pour la solitude, un instinct de conservation maladif, une crainte constante de la mort, et une certaine paranoïa, dus à une probable prédisposition familiale, sa mère étant dépressive et son frère mort fou, mais surtout à la syphilis, contractée pendant ses jeunes années. Maupassant se porte de plus en plus mal, son état physique et mental ne cesse de se dégrader, et ses nombreuses consultations et cures à Plombières-les-Bains, Aix-les-Bains ou Gérardmer n'y changent rien. En août 1890, il commence L'Âme étrangère, qu'il ne finira jamais. En 1891, il commence un roman, L'Angélus, qu'il n'achève pas non plus. Le 31 décembre, il envoie une lettre d'adieu au docteur Cazalis, ce sont ses dernières lignes.
Dans la nuit du 1er janvier au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet (son domestique, François Tassart, avait enlevé les vraies balles). Il casse alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. On l'interne à Paris le 6 janvier dans la clinique du docteur Émile Blanche, où il meurt de paralysie générale, un mois avant son quarante-troisième anniversaire, le 6 juillet 1893, après dix-huit mois d’inconscience presque totale. Sur l’acte de décès figure la mention « né à Sotteville, près d’Yvetot », ce qui ouvre la polémique sur son lieu de naissance.
Il est enterré au cimetière de Montparnasse à Paris, (26e division).
Quelques années auparavant, Guy de Maupassant avait écrit : « Je suis entré dans la littérature comme un météore, j'en sortirai comme un coup de foudre ».
Regard sur l’œuvrePrincipes esthétiquesMaupassant a défini ses conceptions de l’art narratif en particulier dans la Préface de Pierre et Jean intitulée Le roman en 1887/1888.
Pour lui, le romancier qui doit tout mettre en œuvre « pour produire l’effet qu’il poursuit c’est-à-dire l’émotion de la simple réalité, et pour dégager l’enseignement artistique qu’il en veut tirer, c’est-à-dire la révélation de ce qu’est véritablement l’homme contemporain devant ses yeux », pour lui en effet « les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leurs illusions particulières ».
Rejetant le roman romantique et sa « vision déformée, surhumaine, poétique » comme le roman symboliste marqué par les excès du psychologisme et de l’écriture artiste, Maupassant adhère à l’idéal d’un « roman objectif » à la recherche du réalisme mais conscient des limites de ce dernier. Pour lui, « le réalisme est une vision personnelle du monde qu’il (le romancier) cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un livre » et pour ce faire le romancier effectue, à partir de sa personnalité, un choix dans le réel. « C’est toujours nous que nous montrons », déclare-t-il comme il affirme que le roman est une composition artistique, « un groupement adroit de petits faits constants d’où se dégagera le sens définitif de l’œuvre ». Maupassant rejette donc également le naturalisme avec sa lourde documentation et avec son ambition démonstratrice d’un réalisme total à la Zola mais il pratique un réalisme sans exclusive morale vis à vis de la réalité sordide comme lors de la mort de Forestier dans Bel-Ami ou la chienne en gésine au chapitre X dans Une vie.
Maupassant recherche la sobriété des faits et gestes plutôt que l’explication psychologique, car « la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l’existence ». Cette sobriété s’applique aussi aux descriptions, rompant ainsi fortement avec l’écriture balzacienne. Ce goût pour la densité conduit d’ailleurs Maupassant à privilégier l’art de la nouvelle : il en écrit plus de trois cents et seulement cinq romans, en une décennie il est vrai.
Enfin Maupassant rendant hommage à Flaubert reprend la formule de Buffon selon laquelle « le talent est une longue patience » et revendique une « langue claire, logique et nerveuse », opposée à l’écriture artiste des années 1880-1890 qu’illustrent par exemple les frères Goncourt